Petite histoire du château

Le château de Verchocq comme on le connaît actuellement – bâtisse solide formée d’un corps principal et d’une aile, avec fronton triangulaire, perrons et balcons – est le fruit d’une longue et riche histoire.

Sous l’Ancien Régime, Verchocq est le siège d’une ancienne demeure seigneuriale, successivement possédé par les de Pippemont, les de l’Estandart et les de la Pasture. Fixant sa demeure à Montreuil-sur-Mer, Pierre-Antoine de la Pasture met en vente la demeure par cette annonce dans les Affiches de Picardie le 28 août 1773 : il propose à la vente la « terre et seigneurie de Verchocq, située tant dans le Boulonnais que dans l’Artois, à cinq lieues de Saint Omer, quatre d’Hesdin ; ayant haute, moyenne et basse justice ; consistant en un très-beau château et autres beaux édifices, marais, communes, jardin, pâtures, droit de pêche, trois moulins, bois ». Trois ans plus tard, la demeure est ainsi vendue à Amable de Malet, baron de Coupigny. Principalement occupé à reconstruire le château de Fiefs, siège de sa seigneurie, il délaisse la demeure verchocquoise. Suite à sa mort sur l’échafaud en 1794, la demeure revient à son troisième fils, Fortuné-Louis de Coupigny, qui entend bien imprimer sa marque sur le château.

Entre la fin de l’Empire en 1812 et son départ à Courset en 1824, Fortuné-Louis de Coupigny fait abattre les restes de l’ancien château, inhabité depuis 40 ans et surement éprouvé par les événements de la Révolution. Il fait rebâtir un nouveau château : originellement positionné dans la vallée, le château de Verchocq sera dorénavant élevé sur les hauteurs. Il est érigé à côté d’un corps de bâtiments préexistants, à proximité d’un bois. Reprenant les ambitions de son père, Georges-Hubert de Coupigny modernise le château, dans une politique plus large de redynamisation agricole du territoire. Pourtant, son propre fils, Albert, décide de se séparer de la demeure en 1906 ; le général de la Jaille achète le château pour l’offrir à sa fille Gabrielle, mariée à André de la Gorce.

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Propriété de la famille de la Gorce et transformation par l’architecte C.Poilly

Fils de l’écrivain Pierre de la Gorce – membre de l’Académie française – et lui-même professeur à l’Institut catholique de Lille, André de la Gorce entreprend un vaste programme de travaux, sur les conseils de son épouse Gabrielle de la Jaille. A l’époque, le château est un bâtiment sobre fait de briques, dont seules les travées rectilignes de fenêtres et deux portes aux extrémités viennent dynamiser la frugalité. La bâtisse n’en reste pas moins imposante avec ses trois étages – quatre du côté de la vallée. Sous la direction de l’architecte boulonnais C.Poilly, l’édifice est transformé de fonds en comble par de nombreux travaux, jusque 1914 et la mort de Madame de la Gorce.

Coupé du corps de ferme, le château gagne en caractère avec les constructions d’une aile et d’une tour. L’organisation générale et l’espace sont repensés : pour mettre fin à sa trop grande linéarité, Poilly coupe le château en trois et fait ressortir la partie centrale en flanquant la toiture d’un fronton triangulaire et en élevant un vestibule devant le salon principale. La décoration du château est renouvelée : style Louis XV, Louis XVI et Empire s’entremêlent, créant ainsi de pièce en pièce une formidable fresque de mobiliers français. Le parc est remanié sous l’action du paysagiste parisien B.Bohn : du côté du bois, le gazon est ponctué d’arbres, alors que des allées sinueuses se croisent et s’entrecroisent autour de la grande allée rectiligne ; du côté de la vallée, une terrasse est créée, à laquelle un escalier à rampes latérales est accolé. Perrons, balcons et terrasses sont coiffés de balustres qui donnent du cachet aux façades néo-classiques, décorées d’un enduit au ciment imitant la pierre appareillée. Enfin, une verrière couronne la bâtisse côté ouest. En tout et pour tout, mêlant dorénavant charme et esthétique, le château prend la forme qu’on lui connait actuellement.

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Winston Churchill au château de Verchocq : un « quartier général au milieu de merveilleuses avenues d’arbres »

Pendant la Première Guerre Mondiale, en mai 1917, le domaine accueille Winston Churchill pour 18 mois. Suite à l’échec des Dardanelles, il avait dû se retirer de la vie politique, se consacrant notamment à la peinture. Effectuant son retour, il commande d’abord un bataillon du Royal Scot Fusiliers sur le front de l’Ouest, puis est fait Ministre de l’Armement par le Premier Ministre anglais Lloyd George. À Verchocq donc, Winston Churchill coordonne l’approvisionnement du front : régulièrement, il s’y rend en voiture militaire ou le survole en avion.

aaaaIl y a connu la paix et la sérénité « au milieu des futaies et de merveilleuses avenues d’arbres » mentionne-t-il dans ses mémoires. Son bureau est installé dans la salle à manger actuelle ; M. Pierre de la Gorce, ancien propriétaire, a côtoyé ce géant de l’histoire dans sa petite enfance, l’importunant quelquefois dans ce même bureau. Deux cartes sont accrochées au mur, alors que sa table de travail se trouve face à la fenêtre. Il découvre avec enthousiasme la cuisine bretonne du château, et reçoit d’ailleurs quelque fois le Ministre de l’Armement français, Louis Loucheur. Sa chambre se trouve au deuxième étage, exposée plein sud : son lavabo est encore présent. L’été, il prend sa douche en extérieur, sous un cèdre encore fièrement debout.

Voici comment il parle de la demeure et de son séjour dans ses mémoires :

« À partir du mois de mai, le commandant en chef m’avait donné une sorte de quartier général régulier dans la zone des armées, quelques chambres et des facilités de cuisine dans une vieille maison de campagne française, au milieu de merveilleuses avenues d’arbres, au village de Verchocq. Je pouvais y parvenir de l’aérodrome d’Hendo en deux heures d’avion et en quelques occasions, j’ai travaillé le matin au ministère de l’armement, l’après-midi, j’ai suivi le cours d’une grande bataille. Je pouvais aller et venir sur le front comme il me plaisait, et voir tout ce qu’il y avait à voir, sans courir de risques inutiles. Je m’arrangeais pour assister à presque toutes les grandes batailles pendant la suite de la guerre. J’ai volé entre les lignes à 2 300 mètres. »

« J’ai une charmante chambre, pleine de ces vieux meubles sculptés qui te plaisent, et qui me semblent fort beaux et anciens. Le domaine est parcouru par des allées d’arbres magnifiques, des hêtres et des pins, d’une hauteur considérable, qui forment des travées larges comme les nefs d’une cathédrale. L’une d’elles doit avoir près de 800 mètres de long… »

« Je me suis mis alors à faire au château de Verchocq, la plus grande partie de ma besogne. l’organisation des services de l’armement fonctionnait si bien, que j’avais assez de temps pour voir et réfléchir. »

Dans la nuit du 10-11 novembre, c’est à Verchocq que Churchill apprend, avant le reste de la France, la signature de l’armistice par téléphone. Il annonce en personne la nouvelle au maire et aux habitants du village. Le 11 novembre à 8h, il assiste à une messe d’action de grâces précédée d’un Te Deum ; les tommies – soldats de l’armée britannique – jouent le Madelon.

Pillé en 1940 par des unités en retraite, puis par des réfugiés, le château est converti en hôpital militaire à partir de 1944, et est affecté aux troupes de l’Organisation Todt.

Incendie et rénovation

Depuis le début du siècle, le château est la demeure de la famille de la Gorce. À André de la Gorce, vice-président du Conseil général, ont succédé son fils Pierre de la Gorce, son petit-fils Dominique de la Gorce et son arrière petit-fils Emmanuel de la Gorce.

La famille de la Gorce se sépare du château à l’automne 2012. Un incendie s’est déclaré sous la toiture en février 2013.

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Racheté, le château est depuis activement rénové pour y faire gîtes, chambres et salles de réception à disposition du plus grand nombre.